Aux sources du Soleil

Hi-no-moto, dernier refuge des hommes, source du Soleil, est l’unique fragment de l’Ancien monde ayant survécu aux catastrophes qui s’y sont abattues. Et ce fragment continue de résister avec vaillance aux assauts de l’océan infini. Entaillé, lacéré, brisé par les vagues qui le fouettent inlassablement, meurtri par les erreurs humaines du passé et la fureur du Tenbatsu, la colère divine, il est composé de centaines de lacs et de mers intérieures, de milliers d’îles dont les sommets montagneux se dressent vers le ciel… Hi-no-moto est un monde à lui tout seul.

L’océan infini le borde de toute part et forme au loin un horizon invariable où tout se rejoint dans le néant. Les marées éternelles, eien no nami, qui agitent l’océan d’un puissant mouvement perpétuel, peuvent faire des dégâts bien plus importants que les tremblements de terre. Ils modèlent les rivages avec une telle violence que beaucoup de lieux côtiers y sont laissés à l’abandon. Aucun voyageur n’ose s’aventurer dans ces criques ravagées par les flots colériques, aucune végétation n’y pousse, et aucun animal ne prend le risque d’en faire son territoire. Pourtant, pour les plus intrépides, elles peuvent renfermer de véritables trésors, des reliques de l’Ancien monde, ou bien des cadavres de créatures rares qui s’y sont échouées après avoir été arrachées au Yomi no kuni, le Royaume des morts, qui s’étend dans les profondeurs insondables.

L’océan infini est hostile. On raconte qu’avant, les gens ramenaient de ses eaux assez de poisson pour approvisionner le pays tout entier. Aujourd’hui, les pêcheurs l’évitent, les marées éternelles les repoussant sans relâche vers les côtes écorchées, les bâtiments engloutis dont les charpentes affleurent et les traîtres récifs de corail métalliques qui prolifèrent depuis le Tenbatsu. Et tout ça pour quoi ? Risquer de tomber sur un banc de méduses mortelles ou un baril de produits toxiques de l’Ancien monde ? Croiser le sillage d’un kaijû, un monstre marin ? À quoi bon ? Les bons poissons ont disparu de l’océan infini depuis longtemps maintenant.Il n’en reste plus que dans les eaux préservées de certaines mers intérieures. Ce sont alors des lagunes paisibles entourées de récifs, dépourvues de ruines toxiques englouties, et dont les eaux vives sont filtrées par des barrières de corail (protégées par Ryûjin, dieu protecteur des mers qui y vit dans son palais). L’influence des marées éternelles y est considérablement atténuée, voire inexistante, et ces havres poissonneux sont les seuls endroits d’Hinomoto où l’on voit se développer des structures portuaires. Toujours sauvages, intouchés depuis les origines du monde, on n’y trouve jamais de vestiges de l’Ancien temps, car, hélas, à partir du moment où les côtes portent les stigmates de la civilisation passée, les eaux qui les
bordent se retrouvent souillées par de nombreux déchets (matières plastiques en décomposition, métaux lourds, hydrocarbures, produits chimiques, radioactivité). Cette marque nocive, cette pollution, vestige de l’Ancien monde qui afflige la nature, porte un nom : l’osen.